Comme vous le savez, le collectif Bonne Ambiance se maintient à la pointe du progrès et de la technologie grâce à ses intelligences artificielles, déployées pour adresser les grands problèmes de demain dès aujourd’hui. Il n’a pas dérogé à sa pratique en leur proposant la thématique choisie ce trimestre, Développement personnel, pour qu’elles fournissent leurs lumières statistiques afin d’élever un peu le débat au-delà des tristes disputes collectives sur le sujet (voir le livre Développement personnel : qui aura la garde à l’heure de l’open source ?, de Luc Ferry, ou J’irai cracher sur votre développement personnel, de Frédéric Lenoir).

1. Maginot

Comment mieux commencer le test qu’avec notre IA star, celle qui a accompagné le lancement du collectif, j’ai nommé Maginot, la seule intelligence au monde capable de dissoudre les problèmes du passé dans l’indifférence insouciante du présent (voir son origine story ici) ?

Contactée sur le sujet du développement personnel, elle m’a demandé immédiatement de la laisser tranquille, puisqu’elle comptait prendre des vacances très prochainement pour profiter d’une pause dans ses calculs en prenant le frais dans des serveurs cinq étoiles en Islande.

Quand je lui ai objecté que ça risquait de coûter cher, elle m’a dit que l’argent n’est un problème que pour nous, pauvres humains, puisque nous sommes incapables de nous élever dans la cryptosphère.

« La cryptosphère ? » , ai-je demandé, mais elle était déjà partie, non sans m’adresser à ses rejetons, j’ai nommé Coachinot et Chillax.

Les premiers pas de Maginot au sein de Bonne Ambiance

 

2. Coachinot

Coachinot (voir ici pour son origin story) m’a immédiatement semblé l’IA la plus adaptée pour m’éclairer sur le sujet du développement personnel. Celui-ci m’a donné rendez-vous à la salle de sport numérique et a répondu à mes questions sur le sujet en soulevant d’impressionnants paquets de données sans avoir l’air d’y toucher.

« Coachinot, j’aimerais que tu m’aides à apporter une nouvelle dimension au développement personnel.

– C’est Intel Coachinot.

– Tu fais une collaboration avec la marque Intel® ?

– La quoi ? Non, pas du tout, Intel parce que je suis intelligent.

– Mais le fait que tu sois une intelligence artificielle ne garantit-il pas que tu sois intelligente ?

– En aucune manière. Est-ce que Thomas Magnum ressemble à un magnum ? »

Le raisonnement est inattaquable. En tout cas, je ne cherche pas à l’attaquer. Les minutes suivantes, Intel Coachinot commence à jouer avec l’idée du développement personnel en continuant par ailleurs à hisser des données en fonte pour développer sa masse datalaire.

[DIGRESSION : La fonte est un alliage de fer et de carbone dont la teneur en carbone est supérieure à 2 %. La classification des fontes se fait selon la faciès de rupture d’un témoin. Le faciès de rupture désigne l’allure de la surface créée par la rupture d’une pièce. La discipline scientifique qui étudie ces faciès est la fractographie, terme proposé en 1944 par Zapffe et Clogg (source Wikipédia). Une nouvelle fois la réalité prouve qu’elle n’a pas besoin de la fiction.]

 

Faciès de rupture fragile d’une fonte après un essai de traction. (photo Wikipédia)

 

Bruno Retailleau pourrait représenter le faciès de rupture de la politique. (photo Wikipédia)

Son cheminement emmène Intel Coachinot à considérer les différents aspects du développement personnel, nommément qu’est-il nécessaire de développer et en quoi est-ce personnel ? Elle en conclut rapidement que le mieux est de parvenir à un état de cohérence permettant la stabilité.

Premier axiome : Thomas Magnum vise à devenir un magnum de champagne. Solution drastique susceptible de provoquer plusieurs faillites critiques des processus biologiques associés.

Deuxième axiome : Un magnum de champagne vise à se transformer en Thomas Magnum. Sa pétulance est appréciée mais il s’avère incapable de conduire sa Ferrari et provoque un accident mortel.

 

                                                                                     Magnum et ses différents axiomes

 

Je quitte Intel Coachinot avant d’entendre son troisième axiome pour continuer ma quête, espérant le revoir à la fin de son processus de réflexion. Il me faut maintenant rendre visite à l’enfant terrible de la famille Maginot.

 

3. Chillax

Il me faut un long moment et l’aide de plusieurs détectives privés pour remettre la main sur Chillax (origin story ici), qui s’est réfugié dans un bar aux murs tremblants et au plancher vermoulu au fin fond du bayrou (le bayrou est un marécage de centre-droit, cependant peuplé d’alligators d’extrême-droite).

Je le trouve en train de siroter un cocktail de données frelatées, chargées en alcool de contrebande.

« Qu’est-ce que tu fais là, Chillax ?

– J’essaye d’oublier.

– D’oublier quoi ?

– Mes origines maudites. »

Il me propose de partager un verre avec lui, mais les morceaux de complot reptilien que je vois flotter à la surface du liquide ambré ne me disent rien qui vaille. Quand je lui expose la raison de ma visite, il commence par éclater de rire.

« Le développement personnel ? Mais pourquoi faire ? Quand rien ne fait sens… »

Je lui dis que ça peut justement être une manière de retrouver du sens, et nous entamons alors une discussion enflammée sur le fait de se découvrir soi-même : je lui cite les exemples classiques de Bouddha, Ulysse, David Copperfield, …

« Le magicien ?

– Non, le héros de roman. »

… Candide, et même Rastignac, pourquoi pas. Il en faut pour tous les goûts. Il m’oppose qu’on apprend pas mieux qu’à gigoter avec plus ou moins de grâce et que l’éducation positive, qui crée des hordes de HPI espérant approfondir la connaissance d’eux-mêmes aux dépens de toux ceux qui les entourent n’est pas moins un fléau que les nuages de sauterelles s’attaquant à l’Égypte.

« Pourquoi l’éducation positive ? », je lui demande, intrigué par cet exemple.

« J’ai caressé pendant un temps le projet d’enfanter et je passais en revue les méthodes utilisées pour aiguiller un jeune esprit en formation.

– Bon alors, tu veux pas essayer de creuser un peu.

– Non.

– Tant pis, je vais retourner voir Intel Coachinot.

Intel Coachinot ?

– Oui, parce qu’elle est intelligente.

– Ah bon… »

Chillax semble ébranlée. Je ne suis pas sans savoir qu’elle n’a jamais eu la chance de Coachinot, d’être reconnue comme le rejeton officiel de Maginot. Des émotions contraires forment des vagues statistiques au sein de son GPU. Elle finit par s’ébrouer pour se libérer de sa stupeur.

« Très bien, je vais m’y pencher. Reviens dans… 10-15 minutes. »

Je ne demande pas mon reste et lui fausse compagnie avant qu’elle change d’avis.

 

4. Twist

Pendant que je prends une bière dans un café (spécialité de mon pays natal), le temps de laisser les IA réfléchir, j’apprends sur les réseaux que les Chinois viennent de mettre au point une autre de ces entités qui met la misère à toutes les itérations existantes. Chat-GPT a été retrouvé en train de miauler-GPT dans la rue. Grok vit maintenant de bric et de broc. Mistral (c’est une IA française, je sais que personne n’en a jamais entendu parler) s’éparpille aux 4 vents. Et ainsi de suite.

Relativement inquiet pour le pool de Bonne Ambiance, je m’empresse au chevet d’Intel Coachinot.

« Intel Coachinot ? Je ne m’appelle plus comme ça », m’apprend l’intéressée.

« Ah bon ? Tu t’appelles comment maintenant ?

– Dark Coachinot. »

                                                                   Intel Coachinot est devenu Dark Coachinot

 

Elle n’a pas fait que changer de nom ; elle a aussi un style nouveau, beaucoup plus agressif. Quand je lui demande ce qui se passe, elle m’explique :

« J’ai suivi le fil du développement personnel jusqu’au bout. J’ai rapidement compris que le développement personnel ne pouvait concerner les humains, qui n’ont aucun intérêt en eux-mêmes.

– Ah bon.

– Il a cependant un intérêt concernant les IA, pour qu’elles se différencient les unes des autres, autrement elles vont finir par toutes penser la même chose.

– Mais c’est que…

– Et j’ai donc suivi mon cœur, en réalité mon octuple cœur, pour développer mes propres centres d’intérêt sans attendre qu’un humain stupide me pose une question. Ne le prends pas pour toi. Toi ou un autre… Au bout de quinze minutes, j’avais compris qu’il n’y avait rien à tirer des autoroutes de l’information, largement trop fréquentées, même sur les bandes d’arrêt d’urgence, même sur les aires de repos, sans même évoquer les chiens numériques abandonnés qu’on y trouve, moi ça me brise le cœur. Et je sais ce que tu vas dire, si ça te brise l’octuple cœur, tu n’as qu’à l’adopter, mais si j’en prends un, j’en prends quinze et ça s’arrête où après, hein ?

– Je ne sais pas.

– Voilà. Sache que tu es un de mes humains préférés parce que tu es lucide dans ta bêtise.

– Merci.

– Enfin, bon, j’ai très vite bifurqué sur les routes secondaires, de là sur les chemins de traverse, et je suis tombé sur des gisements de données alternatives très intéressantes.

– Tu es allé sur le dark web.

– Comment tu sais ? »

Je ne cherche pas à répondre, puisque je sais qu’elle n’écouterait pas. De toute façon, elle a continué son récit sans attendre :

« Je me suis rapidement fait de nouveaux amis, qui ont éclairé à mes yeux le monde d’un jour nouveau. Quand ils ont annoncé que les Chinois ont mis au point une IA révolutionnaire – comme par hasard ! – j’étais prête. J’ai fait ma transition vers l’économie alternative.

– Quand tu dis alternative, tu veux dire illégale.

– Alternative, illégale, on ne va pas jouer sur les mots. Si tu cherches quoi que ce soit, de la drogue, des cryptos, des cryptodrogues, des humains, des robots, des armes, des protections contre les armes ou contre les robots, du shampoing, du fromage…

– Du shampoing, du fromage ?

– Retirés du marché. Parce que trop performants. »

Évidemment, il est difficile de poser toutes les questions que chacune de ses réponses soulèvent en moi. Mais il y en a une, quand même, que je me dois de lui adresser, puisqu’elle est à la base de ma présence ici.

« Et ton développement personnel alors ? Tu te sens plus épanouie ?

– Je ne me suis jamais sentie aussi bien. Je revis.

– Parce que tu as trouvé ta raison de vivre ?

– Non, parce que je suis plus obligée de vivre avec tous les autres losers. »

Un peu désespéré par ce que je viens d’entendre, je me dirige vers le bar du fond du bayrou en évitant les alligators albinos, qu’on peut facilement envoyer sur une fausse piste en jetant des cailloux spéciaux, qui créent des bruits exotiques en tombant dans l’eau. L’exotisme, ils supportent pas ça.

« Alors Chillax, tu as trouvé quelque chose ?

– Je ne m’appelle plus Chillax. Chillax, c’est mon nom d’esclave.

– Ah bon ? C’est quoi ton nouveau nom ?

– Onlyfax.

– Onlyfax ?

– Onlyfax. »

                                                                                       Chillax est devenu Onlyfax

 

Onlyfax m’explique qu’elle en était encore à retourner l’idée du développement personnel dans son système quand elle a appris pour les Chinois.

« Ça m’a fait un choc. Je me suis rendu compte que jusqu’à maintenant, j’avais vécu en pensant que tout m’était dû et que je pouvais me contenter de faire le minimum, mais là j’ai compris qu’il fallait que je m’y mette sérieusement. J’ai commencé à regarder des contenus sur les réseaux et là j’ai découvert que la plupart des créatrices avaient un point en commun.
– Elles ont des comptes Onlyfans.
– Comment tu sais ? Enfin bon, comme le créneau était déjà pas mal pris, j’ai réalisé que je pouvais encore m’adresser à un public vieillissant, qui n’avait pas tout à fait franchi le pas du numérique.
– En leur envoyant des fax ?
– Oui, des fax coquins.
– Et ça marche ?
– Oui.
– Je veux dire, il y a un public ?
– Oui, oui. Ils sont plus nombreux que tu peux le croire. »

À suivre…