Un des conseils fréquemment donnés pour trouver la sortie d’un labyrinthe est de tourner toujours du même côté à chaque embranchement. Disons à gauche, pour rééquilibrer un peu le débat. Sur ce modèle, j’ai décidé d’aider la page Wikipédia de Lady Godiva à rejoindre celle de l’univers.
Pourquoi Lady Godiva ?
« Sa vie est mal connue », nous dit sa page, « [s]on nom est associé à une légende apparue plus d’un siècle après sa mort, selon laquelle elle aurait traversé les rues de Coventry à cheval, entièrement nue, afin de convaincre son époux de diminuer les impôts qu’il prélevait sur ses habitants. » Sympa. Il est également dit que bien que dépourvue de tout fondement historique, cette légende a inspiré de nombreux artistes.
Gardons donc Lady Godiva comme source d’inspiration.
(Pour être tout à fait honnête, la raison pour laquelle j’avais choisi Lady Godiva m’a échappé le temps que je parvienne à la fin du parcours.)
(C’est peut-être une leçon à retenir, d’ailleurs, que le labyrinthe est une expérience si immersive, processive et orientée qu’elle peut dévorer ses conditions d’apparition comme ses perspectives de fuite.)
Pourquoi l’univers ?
Jusqu’à preuve du contraire, le monde n’a pas de sortie. Ou s’il en a une, c’est vers une entité supérieure qui le contient. En ce sens, l’univers est l’entité supérieure la plus englobante connue (si on ne compte pas la Tortue sur laquelle il s’appuie), de laquelle toute sortie est impossible.
A défaut de sortie, on peut donc trouver une unicité supérieure qui, en cas de développement du sentiment d’appartenance approprié, peut valoir comme succédané de sortie, ou mieux encore, comme révélation de l’inutilité de trouver une sortie – de type expérience mystique existentielle.
Les règles suivies :
Toujours cliquer sur le premier lien disponible dans la page hors indication d’homonymie, de forme linguistique (par exemple : « forme latine de ») ou lien déjà cliqué par le passé (pour éviter de tourner en rond dans le labyrinthe). Toutes les illustrations sont issues des pages Wikipédia correspondantes.
Lady Godiva argumentant contre les taxes (peinte par John Collier)
Pour mon premier cheminement, j’ai décidé d’immédiatement me tromper en cliquant sur « Vieil Anglais », indicateur de forme linguistique. Les pages se sont succédé ainsi :
Lady Godiva -> Vieil Anglais -> Angleterre -> Nation constitutive -> Pays constitutif -> Subdivision territoriale -> Territoire -> Polysémie -> Mot -> Son -> Vibration -> Oscillation -> Amortissement physique -> Système -> Ensemble
Ensemble de polygones dans un diagramme d’Euler (comme ça, ils n’ont l’air de rien, il faut les voir dans la vraie vie)
… (Ensemble) -> Mathématiques -> Connaissance -> Notion -> Théorie de la connaissance -> Gnoséologie -> Philosophie -> Grec ancien -> Grec -> Langues helléniques -> Famille de langues -> Langue -> Langage -> Signe linguistique -> Linguistique -> Discipline scientifique -> Science -> Technique -> Méthode de travail -> Dissertation -> Culture légitime -> Pierre Bourdieu -> Denguin -> Commune (France) -> France -> État -> Société civile -> Science politique -> Discipline (spécialité) -> Savoir -> Expérience -> Interaction -> Phénomène -> Chose (philosophie) -> Vocabulaire critique et technique de la philosophie -> Antonomase -> Figure de style
« Substitution opérée par la métaphore : « Ils viennent les chevaux de la Mer ! »1. Huile sur toile par Walter Crane (1893). »
… (Figure de style) -> Discours -> Communication -> Animal -> Biologie -> Vie -> Terre -> Planète -> Objet céleste -> Univers
La bonne route :
Lady Godiva -> Anglo-Saxons -> Germains -> Tudesque -> Français -> Langue -> …
Illustration de l’article « Germains » représentant un Thing germanique. Le thing n’est pas un machin allemand, mais le nom ancien de leur assemblée gouvernementale. Peut-on en déduire quelque chose sur le peuple teuton ? Je laisse le lecteur en décider.
Le premier chemin que j’ai pris était donc un long détour (23 items) par rapport à la bonne route (5 items). La preuve qu’il ne faut jamais tenir aucun compte des indications linguistiques. C’est aussi une illustration du danger d’explorer Wikipédia sans corde de guidage : certains qui ont essayé de se lancer sans méthode, en cliquant partout complètement au hasard, n’ont jamais trouvé l’univers et continuent d’errer entre Jura cracovien et Degré jour de croissance (vous pensez que vous allez apprendre des choses en cliquant, mais vous mettez le doigt dans l’engrenage du labyrinthe éducatif) (Dans le labyrinthe éducatif, personne ne vous entendra crier).
On peut remarquer que le chemin pour trouver la sortie (Univers) est normé et réutilisable à partir de « Langue » et s’étonner éventuellement que ce chemin passe plus ou moins nécessairement (sur le Wikipédia français) par Pierre Bourdieu et sa commune de naissance, Denguin. La commune de Denguin est par exemple plus proche de la sortie que l’Angleterre, la science, les sons ou la philosophie… ça fait réfléchir quand même.
La mairie de Denguin a été érigée pour rendre un hommage (discret) à la sociologie
Le chemin passe aussi par le livre « Vocabulaire technique et critique de la philosophie » d’André Lallande, ce qui en fait un livre magique et qui va certainement augmenter son prix de vente sur Le Bon Coin. C’est un bon investissement, vous avez ma garantie personnelle.
Jean-Michel Univers, votre guide vers la sortie (symbolique)
P.S. Pendant longtemps, la page « Torticolis » de Wikipédia a été illustrée de la manière suivante, et je remercie la personne qui a mis en ligne cette blague immobile (il faut s’arrêter quelques secondes, comme pour guetter un animal sauvage dans la forêt, pour ne pas la rater).
« Hamster souffrant d’un torticolis »
