Nous avons terminé d’explorer les 5 étapes qui permettront à chacun de donner corps à son arrêt maladie. Le chiffre 5 n’est pas innocent. Comme vous l’expliqueraient facilement Michel Onfray ou Raphaël Enthoven avec des arguments en plaqué carton (le plaqué carton est au carton ce que le plaqué or est à l’or), il est même essentiel et porteur du sens interne secret du multivers.

Dans ce coffre en plaqué carton est conservé un argument de Michel Onfray si puissant qu’il pourrait détruire une ville de moyenne importance, comme Clermont-Ferrand par exemple, s’il était libéré d’un coup

 

Pourquoi cela ? Parce qu’il correspond aux 5 doigts de la main. Est-ce un hasard si la nature nous a ainsi dotés de 5 appendices pour distribuer des cartes ou jouer à pierre ciseau feuille ou compter les amis qu’il nous reste une fois qu’on a commencé une discussion politique ? Je ne crois pas.

DACTY.LOL.OGIE

Ainsi chaque étape peut être dûment rattachée à un de nos doigts et à sa personnalité, et en les passant en revue, nous allons être en mesure d’éventer le secret final qui se rattache à cette longue tradition de l’arrêt maladie, inventée par les Incas (hasard, ou coïncidence ?).

La première étape nous a permis d’adresser le problème des enragés du travail, qui provoque une sidération empêchant de se libérer du flux. Elle correspond à l’index, bien sûr, utilisé pour montrer du doigt, blâmer, accuser, singulariser. L’index est le doigt du pouvoir sûr de son fait, et il faut le rabattre vers sa paume pour se libérer le chemin.

La seconde étape était celle de l’émancipation : elle nous offrait des perspectives pour donner de l’ampleur au mouvement de résistance. C’est celle du majeur, doigt de la rébellion, que l’on hisse en un geste pirate contre l’autorité.

La troisième étape est celle de l’obstination : une fois le premier élan acquis, il faut savoir insister dans son effort, afin de ne pas être retourné par l’ennemi. Elle correspond au pouce, le doigt de la préhension et par là, de la rationalité et du jugement. C’est lui qui nous aide à perdurer dans nos prises de décision.

La quatrième étape est celle de la sécession : le royaume de l’arrêt maladie une fois créé, ses membres décident de s’évader d’un système qui veut les détruire et vivent leur lune de miel, période d’espoir et de projection où tout semble possible, avant que les premières difficultés ne se concrétisent. C’est l’étape de l’annulaire, symbole d’union.

La cinquième étape est celle des difficultés : une hantise demeure de l’état antérieur, tant il est difficile de se séparer de son histoire, surtout en la coupant d’un coup sec comme nous avons l’habitude de le faire. Alors le retournement menace, et avec lui, le retour du refoulé. L’auriculaire, maillon faible du groupe, est celui qui caractérise cet état.

Le compte des doigts se fait en position « Capture du nez », telle que décrite dans le Manuel de stratégie militaire à l’usage des moins de 5 ans

 

LE PILIER SECRET

Ces cinq piliers branlant de l’arrêt sont unis dans un équilibre subtil, qui s’effondrerait instantanément sur lui-même sans le pilier central lui servant d’axe porteur, j’ai nommé le poil dans la main. The hair in the hand. El pelo en la mano. Eins Haare… en réalité, il n’y a pas de traduction en allemand, puisque le peuple germanique porte en lui le mal incurable de la manifestation de compétence, qui le rend inapte à faire cet usage de ses mains.

Pourtant le poil présente un intérêt crucial pour la survie même de l’espèce humaine. Aucune civilisation animée par la flemme n’a jamais dominé le monde, et c’est tant mieux. C’est l’ambition qui nous a menés à notre perte collectivement.

J’entends d’ici mes détracteurs qui me soutiendront que c’est grâce à l’ambition que nous avons eu toutes ces avancées scientifiques, et la technologie, et le Cyber Truck et l’IA – et à ceux-là je répondrai, à l’exception notable des triomphes de la médecine : exactement.

Le tchou-tchou informe à la mécanique possédée au sein duquel nous sommes embarqués accélère dans le tunnel obscur, mais aucune main ne ressortira de sous la Manche pour nous éblouir d’un dernier tour de magie. Encore aujourd’hui, tout arrêter d’un coup serait sans doute moins néfaste que de continuer toutes nos conneries en espérant que ça va passer.

Le tchou-tchou possédé s’enfonce dans un tunnel sans fin

 

Pour autant, faire pousser ce poil demande de l’entretien, une attention de tous les instants, sur laquelle nous allons maintenant nous attarder.

UN POIL POUR LES GOUVERNER TOUS

J’entends d’ici mes détracteurs qui souligneront la contradiction entre une ambition de ne pas travailler et un soin constant accordé à un poil. Mais ils n’ont pas compris un principe simple : cette attention qui est demandée vise à ne pas agir – à éviter de se mettre dans le chemin du poil qui pousse tranquillement dans le creux de la main.

Trop souvent, une initiative inattendue, autant qu’incontrôlée, peut contrarier la bonne croissance de Pollux – ce poil magique et immortel, héros de tant de mythes antiques : tout a commencé quand Léda, honteuse d’avoir succombé à un cygne (ce qui peut paraître étrange de l’extérieur, mais elle peut tout vous expliquer), pondit un premier œuf. Comme elle avait essayé tout ce qu’elle avait pu pour lui faire barrage, elle avait décidé d’appeler celui qui en sortirait Castor.

Lorsque le second tomba, quelques minutes plus tard, elle ne put s’empêcher de s’exclamer : « Tu tombes comme un cheveu sur la soupe ». Comme elle ne put se résoudre à appeler le puîné Chevux ou Soupax, elle choisit finalement Poilux, plus tard déformé en Pollux. Ce dernier apprit dès son plus jeune âge qu’il était immortel et qu’il continuerait à grandir, contrairement à son frère, mortel, petit, et voûté parce que ses dents le faisaient ployer. Il fit tout cependant pour maintenir l’équilibre entre lui et son frère leurs vies durant – jusqu’à ce que Castor décède d’une rage de dent héroïque.

À ce moment-là, du fait de sa croissance inaltérée, la tête de Pollux touchait le ciel et ses pieds s’enfonçaient dans le sol – il obtint des dieux de rejoindre son frère au royaume des morts, sous réserve que son corps soit transformé en échelle entre l’Enfer et l’Olympe. Les dieux acceptèrent et transformèrent Pollux en un poil géant de Louve céleste – du fait de ses qualités de conservation. L’échelle de poil permit à tous d’arrêter de se faire chier, puisque l’accès était ouvert pour aller chercher toutes les ressources que les dieux se réservaient dans les hauteurs et revenir organiser des barbecues en sous-sol avec tous les fêtards disparus trop jeunes.

Poilux torsadux

Malheureusement, les dieux avaient confié l’entretien du poil à une entreprise privée, Poil Onet, une filiale d’Onet, la multinationale du nettoyage. Je n’ai pas le temps de tout vous raconter, mais au bout de la quatrième sous-traitance, les choses tournèrent mal. Le poil fut détruit. Les gens finirent par l’oublier. Seuls quelques vestiges en furent conservés qui restaient empreints de son passé divin.

Leur légende persista, surtout pour amuser les enfants (d’où croyez-vous que vient le haricot magique ?), faire rêver les mystiques et animer les fous, promettant à ceux qui s’en rendraient maîtres de pouvoir s’adonner au repos pour le restant de leurs vies. Une nouvelle tendance se dégagea cependant au bout d’un temps, portée par le couple de Patrice (1250-1323) et Isabeau Kani (1254-1338), qui soutenaient l’idée que le poil était avant tout vivant dans le cœur de chacun et que loin de se contenter d’une légende éthérée, les humains pouvaient faire naître « au creux de leur main » le poil qui les conduirait au salut.

D’abord peu écoutés par leurs contemporains, les Kani remportèrent plus de succès quand ils commencèrent à organiser de grands bals populaires, d’abord sporadiques, puis, à mesure qu’ils s’extrémisaient dans leurs vues, de plus en plus fréquents. Ils finirent par se succéder à une telle vitesse que leurs limites se brouillèrent, créant une interminable continuité dansante qui acheva d’asseoir leur héritage – d’où leur célèbre slogan : « les bals Kani ne s’arrêtent jamais ! »

LA CAPILOPOLICE

Les autorités, poussées en cela par les industriels du drap d’Amiens et de la Hanse des XVII villes, prirent ombrage de cette initiative, qui poussait les gens à danser plutôt qu’à travailler. Elles créèrent une capilopolice, dotée d’une mascotte, Pilo-Poli, pour gagner les enfants à leur cause.

Pilo Poli aime tout le monde, sauf les gens avec des poils. Et ceux-là, il les tabasse bien comme il faut et il les achève quand ils sont par terre.

Cette mascotte sympathique ne doit pas vous induire en erreur : la répression fut aussi massive que brutale et conduisit à la mort de centaines de personnes et à la dispersion dans la terreur des représentants de cette tendance naissante. On aurait pu croire que l’une allait causer la disparition de l’autre, mais c’est tout le contraire qui s’en suivit : une secte obscure en naquit, qui perdura dans le temps et conserva intact l’enseignement du poil.

La capilopolice continua elle aussi son œuvre au fil du temps, s’adaptant aux nouvelles manières souterraines du parti du poil pour le traquer sans relâche. Ses missions évoluèrent pour prendre en charge les révolutions capillaires les plus indécentes et leurs déclinaisons ultraviolentes : les malandrins aux mulets, les pillards perruqués, les coupe-jarret à coupe au bol, et j’en passe et des meilleures (les canailles aux carrés, les routiers à franges rideaux, les brigands à brushing). Et même si la fin du Moyen-Âge signa aussi celle d’une folle créativité chez les coiffeurs-arracheurs de dents, évincés par les perruquiers et les dentistes (mais c’est une autre histoire), la capilopolice fut recyclée en organe de renseignement mettant à profit les centaines de milliers de tonnes de poils et cheveux confisquées dans le cours de son activité pour créer des super-agents capables de s’infiltrer dans tous les milieux sans attirer l’attention.

A le voir comme ça, qui pourrait dire que c’est un agent secret ?

 

L’ENTRETIEN

Ne vous inquiétez pas, je n’ai pas oublié la promesse que je vous ai faite de vous entretenir de l’entretien du poil qui se cache (métaphoriquement) dans votre main. D’abord, ce n’est pas parce que le poil est métaphorique qu’il n’apprécie pas un peu de lotion lustrante. C’est comme pour les dieux : qu’ils existent ou pas, une prière de temps en temps, ça ne fait pas de mal (c’est le bon conseil de Pascal) (le grand frère).

Il faut également vous munir d’un peigne métaphorique, comme celui qu’utilise la girafe, pour brosser votre poil et lui donner du volume. Pensez aussi qu’il peut se sentir seul et qu’il sera bienvenu de lui offrir la compagnie de certains de ces compagnons : caressez des animaux, passez-vous la main dans des cheveux ou des poils pubiens, organisez des fêtes du poil – apprenez-lui à danser la Poilka !

Pour finir, sachez que votre poil, comme tous les êtres vivants, a surtout besoin d’amour et d’attention pour se développer. Offrez-lui un espace de sécurité où il puisse se sentir à l’abri des charges de travail et des injonctions à faire quelque chose et rappelez-lui toujours que c’est grâce à lui que votre âme n’a pas été totalement vampirisée par les exploiteurs de tous bords.

Le poil, instrument naturel de résistance passive, est votre allié !