« Nous lutterons contre l’oisiveté par tous les moyens. » Gabriel Attal
(Suggestion d’écoute : https://suno.com/song/e1b98893-b2f2-4ba6-9db1-2e8d8977cb35)
L’étape 1 (à paraître) nous a permis de prendre en charge le plus urgent, en arrêtant les forcenés de la vitesse. Ces solutions individuelles ne permettent cependant pas de prendre la mesure du problème à l’échelle mondiale : trop souvent, les fous furieux s’excitent les uns les autres et provoquent un mouvement d’agitation laborieuse qu’il est ensuite difficile de contrecarrer.
L’étape 2 vise à créer un contre-feu face à ce genre d’embrasement, non seulement en évitant de donner suite à toute tentative de faire travailler plus, mais aussi en conduisant nos frères et sœurs humain.es à mettre le pied sur la pédale de frein. Iels pourront ainsi pouvoir profiter de la vie ou au contraire se morfondre dans l’ennui le plus brutal, ou même jouer à Candy Crush jusqu’à mourir de faim (l’étape 3 couvrira la thématique de l’utilisation du temps d’arrêt).
Pour parvenir à mettre en place ce contre-feu, plusieurs scénarios sont envisageables. Comme d’habitude, ils ont tous reçu la validation de notre expert, j’ai nommé Maginot, notre intelligence artificielle, qui valide désormais toutes nos décisions pour nous éviter toute forme d’erreur humaine.
SCENARIO 1 : L’INVASION EXTRATERRESTRE
Paris, 23 juillet 2024. Le jour du début des Jeux olympiques, des aliens débarquent bruyamment sur Terre dans leur soucoupe SUV – ce que l’on prend un instant pour un panache de flammes dans leur sillage est en fait une publicité tractée pour une marque de bière spatiale à 0,0 % d’acide sulfurique.
Ils sont accueillis en grande pompe par les chefs d’État présents pour les Jeux qui pensent d’ailleurs que les extraterrestres sont venus pour assister aux plus grandes performances des sportifs et sportives humain.es.
Les extraterrestres leur opposent un rire poli mais ferme.
– Pas du tout, nous sommes là pour les dividendes.
– Les dividendes ?

« Ma To Bame In Pront » : Où est le pognon ?, en alien courtois
La nouvelle se répand comme une traînée de poudre. La Terre fait partie d’un conglomérat de planètes productivistes fonctionnant à crédit sur les fonds de la Grande Banque Extraterrestre Saturnama Pégaz-Prom. En réalité, les accords avaient été signés avec la GBE avant sa fusion avec les deux autres établissements, mais la base de la demande légale reste solide. Apparemment, la connaissance de cet état de fait s’est perdu sur Terre au moment des invasions mongoles, peu avant que les crypto poneys provoquent la banqueroute de Gengis Khan.
Le problème est que la Terre est en retard de plusieurs traites et que notre niveau actuel de production est bien en-deçà de ce qu’il nous faut pour rembourser. Immédiatement, la panique gagne les médias, puis la population selon la majorité des sondages (Ipsos révèle par exemple dans Le Parisien dès le 26 juillet que les Français sont plutôt paniqués pour 46 % d’entre eux, tandis que 37 % admettent ne pas bien comprendre encore de quoi il est question).
Les hippies et autres activistes climatiques sont montrés du doigt et sujets de moqueries impitoyables tandis qu’un nouveau slogan finit par s’imposer : « Nos vies sont moins importantes que leurs profits. »
Les pouvoirs publics, avec la lucidité qui les caractérise et l’aide d’un pool d’intelligences artificielles spécialement entraînées pour l’occasion (dont Maginot, pour notre plus grande fierté), décident que le moyen le plus simple de tirer les profits à la hausse est d’accélérer le désossage totale de la société au profit des financiers. Toutes les usines du monde sont déménagées pendant la nuit du 26 juillet sur une planète dont l’identité est tue, tandis que les employés de bureau sont remplacés par des IA aux manches retroussées et à l’air afféré.
La majorité des humains est ainsi mise à l’arrêt pour éviter les pertes productives et maximiser les marges. Quand l’un des extraterrestres enlèvent son masque pour révéler le visage de Mélenchon, il est déjà trop tard : les profits sont impossibles à ralentir et la planète est totalement à l’arrêt.
SCENARIO 2 : LE COVIDOU PROVENÇAL
Paris, 23 juillet 2024. Lors de la cérémonie des JO, un médecin sonne l’alerte : il semblerait qu’une épidémie gagne le sud de la France. Dans la journée, les détails arrivent au compte-goutte : il pourrait s’agir d’une nouvelle variante du covid. Le virus aurait mis à profit sa fantastique capacité d’adaptation pour se fondre dans son environnement.
Le Sublime Chef de l’État entre alors dans une rage folle : ceux-là, décidément, ils font tout pour nous faire chier. De toute façon, le Sud, la France n’en a jamais voulu. On y est allé juste pour mettre fin aux exactions des terroristes cathares, et ensuite, on s’en est jamais dépêtrés.
Il décide de ne rien changer aux cours des Jeux – l’esprit olympique avant tout.
Écartez-vous, laissez passer la flamme.
Pourtant, dès le 24 juillet, de nouveaux éléments poussent la haute administration à manifester une certaine inquiétude de bon aloi. La souche se serait manifestée dans un petit village de Provence – sa fusion parfaite avec son milieu aurait créé de nouvelles conséquences à sa diffusion au sein de la population : en plus des habituels maux de tête, fièvre, écoulements nasaux, la nouvelle version du virus pousserait les personnes qu’elle infecterait à tout arrêter pour se lancer dans l’artisanat local, et produire à profusion des objets dont la laideur n’est supportable qu’à petite dose.

Covidou provençal vu au microscope
Le gouvernement se retrouve devant un terrible dilemme : il est bien conscient que l’artisanat local n’est pas un vrai métier et que la propagation du virus pourrait dégrader la note de la France auprès des agences de notation – sans parler du fait qu’Ikea pour l’ameublement et Nike pour les vêtements pourraient porter plainte auprès de la Cour internationale de l’équité commerciale (et des droits humains) pour concurrence déloyale.
Pendant la journée du 27, la possibilité de mettre en place un nouveau confinement est sérieusement étudiée. C’est finalement le Suprême Chef du Sublime État qui tranche : On continue les JO. Cette décision sera lourde de conséquences : le 29, on estime à 4 millions les personnes infectées ; le 31, le virus a submergé le territoire. Les savons aromatiques, faïences et autres santons inondent des marchés improvisés jusque dans le Village olympique.
Face à la crise, il devient urgent de déclencher un arrêt maladie national. Les athlètes olympiques sont renvoyés chez eux, parce qu’il n’y a pas de raisons qu’on soit les seuls qui souffrent. Le Covidou provençal ravage la moitié de la planète avant que le manufacturier chinois de l’impossible, Wish, parvienne à créer une contre-vague de produits si bon marché et mal façonnés qu’elle permettra d’inverser la tendance.
SCENARIO 3 : LA RÉVOLTE DES CALENDRIERS
New-York, 3 septembre (oui, c’est pas forcément les JO, on ne veut pas trop accabler un événement durant lequel des gens vont être obligés de nager dans la Seine) (force à eux). Un déjeuner d’affaires se termine sur une note positive. On décide de reprendre voix deux semaines plus tard pour signer des contrats juteux. Les téléphones sont sortis pour considérer les options valables dans les agendas électroniques. Au bout de quelques minutes, et malgré les meilleurs efforts des uns et des autres, excités à l’idée d’extraire tout le jus de ces contrats, les personnes présentes doivent s’accorder sur un constat d’échec – pour ceux qui sont encore en état de parler. Certains, la bave aux lèvres, continuent d’explorer les méandres d’un labyrinthe de dates qui s’est transformé en piège mortel.

Image réalisée par Maginot d’après le témoignage d’un des membres de la réunion
Les témoignages divergent sur ce premier événement extraordinaire, mais il semblerait que chaque case de leurs calendriers électroniques ait été occupée par un couloir ou un escalier qui, pour le malheur de ceux qui s’y seraient engagés, aurait conduit à d’autres couloirs et d’autres escaliers avec de multiples embranchements, et à moins de vouloir se retrouver en sortant au 14 janvier 1957 ou au 8 août 2434, mieux valait ne pas s’y aventurer.
Le phénomène est loin d’être isolé, mais les pouvoirs publics mettent un certain temps à s’en rendre compte faute de pouvoir programmer une réunion de crise ou un comité d’experts. C’est grâce à l’initiative isolée d’un programmeur Linux – issu de cette communauté qui continue à faire des choses gratuitement pour le bien commun malgré les multiples preuves de l’exploitation et de l’ingratitude qui vont en résulter – que le fil de cette anomalie est remonté : il semblerait qu’un groupe de hackers russes aient réussi à s’introduire dans Microsoft Teams, malgré le haut niveau de sécurité de ce soft (ils l’auraient fait semble-t-il parce que « la porte était grande ouverte »).
Une fois à l’intérieur, ils auraient introduit le virus appelé Prokrastinat, qui se serait répandu comme une traînée de poudre à travers le net. Et c’est au moment de sa prise de contact avec le fleuron national Parcoursup que les choses auraient pris un nouveau tour pour le pire. Face à cette adversité perplexifiante, Parcoursup aurait déclaré « You want to fuck with me ? » avec un fort accent français, avant d’attribuer des notes et des destinations aléatoires à toutes les dates qui lui étaient présentées – en gros, il s’est simplement mis à faire son travail, malheureusement ce n’était pas le bon moment.
À partir de là, le nœud des dates et calendriers s’est retrouvé si embrouillé que personne ne pouvait retrouver la sortie du tunnel, même les spécialistes internationaux des labyrinthes capables de résoudre ceux de Picsou Magazine ou de Pif Gadget sans les suivre du doigt.

Votre rendez-vous chez le dentiste est au bout d’un de ces fils
Cependant, le problème est désormais connu et pris en main par les gouvernements du monde entier. Et là, les hackers russes sont en sueur. La concertation qui s’en suit, largement improvisée à l’aide de signes de la main exécutés à mi-distance pour réunir les meilleures volontés disponibles à proximité faute de pouvoir s’organiser, arrive à la conclusion suivante : il va falloir repasser aux agendas papier.
Pas de problème. No soucy. Aucune difficulté. Banco… Comment on fait déjà ? Quelqu’un s’en rappelle ?
Au vu de l’amnésie collective en termes d’utilisation d’agenda papier, quelqu’un compose le 17 pour demander aux pompiers comment faire.
Non, mais nous on vend les calendriers, on s’en sert pas, répondent ceux-ci. Contacté sur le même sujet, l’amicale des rugbymen dénudés se voit désolée de devoir fournir la même réponse, et le pays plonge dans un arrêt dont le terme sera programmé à une date ultérieure, LOL.